29 novembre 2024

Études de cas d’inconduite académique – authentiques

10 perspectives sur l’intégrité académique analysées à l’Université Simon Fraser

L’intention des “case reflections” est de présenter les faits de manière objective et nuancée, tout en encourageant la réflexion critique sur l’intégrité académique.

L’intégrité académique est confrontée à des défis inédits à notre époque numérique. Le professeur Joel Heng Hartse de l’Université Simon Fraser aborde cette question de manière novatrice dans son livre «Unveiling Academic Integrity: Case Studies of Real-World Academic Misconduct» publié en septembre 2024.

Ce livre découle de l’expérience pédagogique du professeur Heng Hartse auprès de ses étudiant·es pendant le cours ÉDUC 388. Plutôt que de se contenter d’aborder uniquement les règles régissant l’intégrité académique, il suggère à sa classe d’étudier des cas réels (“case reflections”) mettant en évidence les parties prenantes de la communauté éducative dans des situations délicates de comportement académique inapproprié.

Dans ce billet de veille, nous vous présentons un résumé de quatre des dix études de cas réalisées par les étudiant·es en 2024 qui ont retenu particulièrement notre attention. Les cas abordent une variété de situations. Chaque situation est soigneusement étudiée à partir de sources publiques et présentée dans son contexte social et historique. Chaque cas est suivi de questions de réflexion invitant à une analyse approfondie des enjeux éthiques et des décisions prises par les différentes parties.

Études de cas, réflexions et questions

Voici les consignes fournies aux étudiant·es du cours pour produire leur cas : La réflexion sur le cas doit inclure vos propres points de vue et opinions, mais elle doit aussi être étayée par des perspectives scientifiques, le cas échéant.

 Aperçu de quatre exemples et perspectives :

2. Principal Turns a Cheating Scandal into a Sting Operation: The 2012 Stuyvesant High School Cheating Incident

Le directeur transforme un scandale de tricherie en opération d’infiltration par Ishaan Singh Kooner-Basanti; Deepkiran Dhillon; Simra Manzer; Priyanjali Mudaliar; Vivek (Vik) Nand; and Rajan Thind

  • En juin 2012, le directeur de la prestigieuse Stuyvesant High School à Manhattan reçoit un courriel d’une étudiante signalant qu’un (Étudiant A) prévoit de partager les réponses d’un examen avec plus de 50 autres étudiants. Au lieu d’intervenir directement, le directeur Teitel organise une opération d’infiltration. Il mandate un surveillant pour observer spécifiquement l’Étudiant A pendant l’examen. Celui-ci est pris en flagrant délit d’utilisation de son téléphone.
  • L’enquête révèle qu’il avait effectivement fourni des réponses à 70 étudiants, dont 54 seront suspendus.
  • L’affaire se termine par le départ du directeur Teitel et de son assistante Damasek, critiqués pour leur lenteur à enquêter et à rapporter l’incident aux autorités scolaires.
  • L’Étudiant A termine ses études dans une autre école et devient, ironiquement, employé d’une agence de préparation aux examens.
  • Discussion
    • Quels aspects de l’enquête du directeur changeriez-vous ? Par exemple, était-ce la bonne décision de faire appel à un surveillant pour observer l’étudiant commettre l’acte ? Pourquoi ou pourquoi pas ?
    • Pourquoi pensez-vous que le directeur a mené cette enquête au lieu de simplement contacter l’étudiant après avoir reçu le courriel ?
    • M. Teitel et Mme Damasek ont finalement perdu leur emploi en raison de leur gestion de cet incident et ont été critiqués pour leur lenteur à enquêter et à signaler l’incident au conseil scolaire. Êtes-vous d’accord avec cette évaluation et/ou cette punition ?
    • L’Étudiant A a été brièvement suspendu de Stuyvesant et a terminé ses études secondaires dans une autre école. Après l’obtention de son diplôme, il a trouvé un emploi dans une agence de préparation aux examens. Recommanderiez-vous aux étudiants de suivre des cours de préparation aux examens avec lui ? Pourquoi ?

5. Collaboration or Collusion? The Harvard Government 1310 Cheating Incident

Collaboration ou collusion ? L’incident de tricherie dans le cours Government 1310 à Harvard par Zihe Liu; Xinrui Liu; and Bella Roblero

  • En mai 2012, le professeur Matthew B. Platt découvre des similarités troublantes dans les examens à livre ouvert de son cours « Introduction to Congress ».
  • Parmi les 279 étudiantes et étudiants inscrits, 125 sont soupçonnés d’avoir collaboré de manière inappropriée en soumettant des réponses quasi identiques comportant les mêmes erreurs et formulations.
  • L’affaire soulève une ambiguïté entre les directives du cours (travail individuel requis) et la culture de collaboration généralement tolérée. Les étudiant·es ont aussi mentionné un changement soudain dans le format de l’examen, qui est passé d’essais à des questions à réponses courtes plus strictes.
  • Les conséquences sont sévères : la moitié des personnes étudiantes impliquées doivent temporairement quitter Harvard, tandis que l’autre moitié est mise en probation disciplinaire.
  • Le professeur Platt n’obtient pas sa permanence l’année suivante.
  • Cette affaire pousse Harvard à adopter son premier code d’honneur en 2015 et à revoir ses politiques concernant l’intégrité académique.
  • Discussion :
    • Le format de l’examen du Dr Platt encourageait-il la tricherie ? Si oui, comment l’examen devrait-il être modifié ?
    • Quel rôle l’institution (Harvard) devrait-elle jouer pour promouvoir une culture de l’intégrité académique ? Comment devrait-elle s’y prendre ?
    • Quel format est plus efficace pour évaluer les compétences réelles de la communauté étudiante, les examens à livre ouvert ou les examens à livre fermé ?
    • Comment le corps enseignant aurait-il pu mieux soutenir à la fois la communauté étudiante et l’institution dans la compréhension et le respect des normes d’intégrité académique ?
    • Devrait-on pénaliser les étudiantes et étudiants pour avoir mal compris ou mal interprété les directives relatives à l’intégrité académique ?

7. “This is Not Your Language”: Plagiarism and Racism at Suffolk University

“This is Not Your Language” : Plagiat et racisme à l’Université Suffolk par Rosemary Orenzo; Ethan Pin; Ilksev Akar; and Hao Yang Li

  • Tiffany Martínez, étudiante en sociologie d’origine latino-américaine à l’Université Suffolk, a vécu un incident marquant lors d’un séminaire de niveau avancé. Après avoir remis un travail académique, son professeur l’a convoquée devant la classe et l’a accusée de plagiat en lui demandant de prouver qu’elle n’avait pas plagié.
  • Selon Martínez, cette allégation était empreinte de discrimination, révélant des stéréotypes racistes à l’égard d’une étudiante de première génération, issue de l’université américaine.
  • L’utilisation du mot « hence » dans son travail a particulièrement choqué le professeur, qui ne croyait pas qu’une étudiante latine puisse maîtriser un tel vocabulaire académique.
  • L’université a finalement admis que la méthode du professeur était inadéquate et s’est engagée à améliorer la formation sur les micro-agressions.
  • Après ce scandale, Martínez a brillamment poursuivi son parcours académique, étant admise au programme de doctorat de NYU, avec pour objectif d’améliorer le système éducatif pour les jeunes marginalisés.
  • Discussion :
    • Comment le professeur aurait-il pu mieux gérer l’incident après avoir suspecté le prétendu plagiat ?
    • Certains étudiants ont exprimé leur appui au professeur, soulignant que, bien que sa notation soit stricte, elle applique les mêmes standards à tous les travaux. Deux autres étudiants ont mentionné avoir subi des critiques similaires sur le langage de leur propre travail. Est-ce que cela justifie l’approche du professeur ?
    • Croyez-vous que l’intégrité académique puisse ou devrait être neutre en ce qui a trait à la race ? Pourquoi ? Pourquoi pas ?
    • De quelle manière la culture et la race peuvent-elles influencer l’expérience académique d’un étudiant ?

8. The Grammarly Girl: A Case of “Unintentional Cheating”

L’affaire Grammarly : Un cas de “Unintentional Cheating”

  • En octobre 2023, Marley Stevens, étudiante à l’Université de North Georgia, obtient une note de zéro sur un travail de deux pages après que le logiciel Turnitin ait détecté une utilisation d’IA. Stevens affirme n’avoir utilisé que le correcteur Grammarly pour vérifier sa grammaire, une pratique courante pour elle.
  • Malgré ses explications, l’université la sanctionne pour « tricherie non intentionnelle » : perte de bourse, cours sur l’intégrité académique et mise en probation.
  • Le cas soulève des questions complexes concernant l’utilisation des outils d’écriture assistée par IA. Grammarly, qui était à l’origine un correcteur grammatical, est maintenant un outil d’assistance IA. De plus, Turnitin, le logiciel de détection de plagiat, reconnaît lui-même l’imperfection de ses algorithmes de détection d’IA.
  • Malgré ces difficultés, Stevens poursuit ses études. Elle a même été invitée par Grammarly à partager son expérience lors d’une conférence, car Grammarly avait développé un nouvel outil, Authorship, pour répondre à son cas.
  • Cette histoire montre les zones grises émergentes en matière d’intégrité académique à l’ère de l’intelligence artificielle.
  • Discussion :
    • Ce cas a-t-il fait évoluer vos propres opinions et convictions concernant Grammarly ou d’autres outils d’IA pour la correction grammaticale et l’écriture ?
    • Comment auriez-vous réagi si vous vous trouviez dans cette situation ?
    • Stevens a été informée qu’elle avait « triché de manière non intentionnelle ». Qu’est-ce que la tricherie non intentionnelle ? Pensez-vous qu’elle aurait dû être sanctionnée à ce point si c’était non intentionnel ? Le cas échéant, quelles conséquences jugeriez-vous appropriées ?
    • Selon votre propre expérience, pensez-vous que le logiciel Turnitin soit une source valide pour détecter le plagiat ?

Ces cas authentiques, traités avec respect, constituent un excellent point de départ pour développer une réflexion critique sur les pratiques éducatives. Nous vous invitons à les utiliser en classe pour stimuler des discussions enrichissantes sur l’intégrité académique. Cet ouvrage est publié sous licence CC BY-NC-ND 4.0, ce qui vous permet de l’utiliser et de le partager à votre guise.

Bibliographie

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