16 octobre 2024

Le Quartier latin 2.0 : vision d’un premier «quartier apprenant» au Québec

Un lieu intégrant diverses institutions, générations et formes d’apprentissage

Le concept de «quartier apprenant» propose une vision ambitieuse pour revitaliser et transformer le Quartier latin de Montréal.

Le plan de Relance du Quartier latin, où se situe l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et la Grande Bibliothèque (BAnQ), est un projet ambitieux et multidimensionnel. Il a pour objectif de transformer ce quartier historique en un espace d’apprentissage dynamique, inclusif et innovant, en misant sur la collaboration entre les institutions, les organismes et les citoyen·nes.

L’épisode balado du Collimateur aborde justement cette vision et ces initiatives visant à transformer le Quartier latin de Montréal en premier «quartier apprenant» du Québec. Les participant·es à cette conversation sont Priscilla Ananian, vice-rectrice associée à la relance du Quartier latin à l’UQAM, Marie Grégoire, présidente-directrice générale de la BAnQ, Yves Munn et Jean-Michel Lapointe, tous deux chargés de projets pédagonumériques au Carrefour d’innovation et de pédagogie universitaire.

Photo : Karine Gélinas, Carrefour d’innovation et de pédagogie universitaire, UQAM.

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Présentation des participant·es à cette conversation (00:30)

Marie Grégoire, présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, se présente comme une fervente défenseuse du concept de «quartier apprenant» et soutient son développement.

Priscilla Ananian, vice-rectrice associée à la Relance du Quartier latin à l’UQAM, insiste sur l’importance de fonder la relance du quartier apprenant sur des bases solides, en intégrant l’éducation, le social et la culture.

Jean-Michel Lapointe et Yves Munn sont chargés de projets pédagonumériques au Carrefour d’innovation et de pédagogie universitaire de l’UQAM.

Les quartiers d’une ville et leurs spécificités (1:15)

Jean-Michel Lapointe mentionne l’existence du Quartier culturel des Faubourgs, adjacent à la BAnQ. Il constate que le futur «quartier apprenant» sera situé entre ce quartier culturel et le Quartier des spectacles, et qu’il développera également ses propres spécificités.

Marie Grégoire (1:57) confirme que, tout comme à New York, chaque quartier possède ses spécificités et ses couleurs distinctes. Montréal aspire à développer des quartiers avec des identités propres, dans le cadre de sa stratégie pour le centre-ville. Elle souligne que Priscilla Ananian a su concrétiser l’idée d’ancrer cette vision dans l’histoire du Quartier Latin tout en le projetant vers l’avenir en tant que «quartier apprenant». Marie Grégoire insiste sur le fait que cette transformation préservera et renforcera l’identité historique du Quartier Latin.

Priscilla Ananian (2:33) rappelle, en effet, que le concept de «quartier apprenant» ne remplacera pas l’identité du Quartier Latin, mais viendra la renforcer. Elle souligne que ce quartier a toujours été un lieu d’apprentissage, comme en témoigne son nom d’origine, attribué par les personnes étudiantes universitaires en 1895, et non imposé par la ville.

Un concept qui émerge du milieu (3:03)

Marie Grégoire souligne que le concept de «quartier apprenant» émerge directement du milieu et doit donc être vécu collectivement. Elle met en avant l’importance de mobiliser toutes les parties prenantes existantes, qu’il s’agisse de lieux d’apprentissage formels ou informels, comme l’ITHQ, l’École nationale de l’humour ou la Maison de la chanson. Selon elle, l’idée de Priscilla Ananian est de rassembler ces éléments en créant des liens, afin de promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie. Marie Grégoire estime que cette vision sera suffisamment attrayante pour que les gens et les commerces choisissent de s’installer dans le quartier apprenant, créant ainsi un engagement collectif et moral.

La proximité entre l’UQAM et la BAnQ (4:28)

Yves Munn rappelle que l’appellation originale de «Quartier Latin» fait directement référence à celui de Paris, où l’on y enseignait le latin à l’Université de la Sorbonne. Il établit ensuite une comparaison avec d’autres villes européennes, où des universités et des Grandes Bibliothèques coexistent dans un même quartier, citant notamment l’exemple du Diamant Noir (Bibliothèque royale du Danemark) et de l’Université de Copenhague. Il souligne que Montréal bénéficie de la même proximité entre la Grande Bibliothèque et l’UQAM, mais que la pandémie a probablement affecté la vitalité et le pouvoir d’attraction du Quartier latin de Montréal. Il met en lumière l’ampleur du mandat de la vice-rectrice, qui doit relancer le quartier, et s’interroge sur les types de relations et de collaborations nécessaires entre l’UQAM et les autres partenaires du quartier, y compris avec Marie Grégoire de la BAnQ.

Priscilla Ananian (6:10) explique que son rôle consiste non pas à «redonner», mais à «révéler» le potentiel existant du quartier. Elle insiste sur l’importance de tisser des liens entre les différentes institutions, les organismes communautaires, les lieux culturels et les commerces pour développer le concept de «quartier apprenant». La vice-rectrice associée souligne que la Relance du quartier ne doit pas se limiter au développement économique ou immobilier, mais doit mettre l’accent sur les personnes, l’éducation, la culture et le social. Elle voit le rôle des grandes institutions du quartier comme celui de garantes et promotrices des valeurs humaines.

Un écosystème d’apprentissage collaboratif (7:35)

Yves Munn met en avant la collaboration déjà existante entre la BAnQ et l’UQAM, en prenant l’exemple du Fablab situé à la BAnQ. Ce laboratoire de fabrication est ouvert au public et bénéficie de l’expertise de l’UQAM, illustrant concrètement comment l’expertise et l’accès au savoir se rencontrent et se complètent.

Marie Grégoire (7:56) confirme cette longue tradition de collaboration entre la BAnQ et l’UQAM, en citant plusieurs exemples d’initiatives qui reflètent la diversité des lieux d’apprentissage dans le quartier : un événement conjoint BAnQ-UQAM sur la gestion de l’information dans les ministères, une collaboration visant à animer le quartier durant la réfection de la station de métro Berri-UQAM, des partenariats culturels avec l’École nationale de l’humour, et des initiatives sociales abordant des enjeux comme l’itinérance.

Marie Grégoire souligne que ces collaborations incarnent l’esprit même d’un «quartier apprenant», où différentes parties prenantes unissent leurs efforts pour identifier et résoudre des enjeux, partager les savoirs et connaissances, et tirer des enseignements de leurs actions communes.

Au-delà des institutions : initiatives citoyennes et apprentissages pratiques (10:15)

Yves Munn et Priscilla Ananian discutent de la densité et de la diversité des institutions d’apprentissage dans le Quartier latin de Montréal. Ils mentionnent le déménagement de l’École nationale de l’humour sur la rue Saint-Denis, et observent la réappropriation du quartier par les étudiant·es, particulièrement visible lors de la rentrée universitaire. Ils échangent sur l’idée de fermer une portion de la rue Saint-Denis pour favoriser une vie de campus plus dynamique. Priscilla Ananian (10:45) souligne l’effervescence ressentie pour la première fois depuis la pandémie, notamment sur la Place Pasteur. Ils évoquent ensuite la richesse du quartier comme lieu de passage, avec la présence de nombreuses institutions éducatives telles que le Cégep du Vieux-Montréal, l’INIS, l’ITHQ, l’INRS, l’ADISQ et le CHUM avec son académie.

Priscilla Ananian insiste sur le fait que le concept de «quartier apprenant» va au-delà des institutions formelles, en intégrant des initiatives citoyennes et des apprentissages pratiques. Elle donne l’exemple des cuisines collectives, qui servent de moyen d’intégration culturelle pour les 75 nationalités différentes présentes aux Habitations Jeanne-Mance. Enfin, elle souligne l’importance de valoriser un retour au savoir-faire, au travail manuel et à l’artisanat, en complément de l’apprentissage numérique. Elle propose la mise en place d’ateliers de médiation culturelle et sociale pour concrétiser ces idées dans le «quartier apprenant».

Particularités d’un «quartier apprenant» à échelle humaine (13:33)

Jean-Michel Lapointe s’interroge sur la notion d’apprentissage à l’échelle du quartier, en la comparant au concept de «ville apprenante», citant Edmonton comme exemple reconnu par l’UNESCO.

Marie Grégoire (14:01) explique que l’objectif est de commencer à l’échelle humaine du quartier, avec l’espoir que ce concept s’étende ensuite à toute la ville, puis à un «Québec apprenant», et pourquoi pas, au monde entier. Elle reconnaît que l’UNESCO a déjà développé le concept de «ville apprenante», mais souligne que le modèle de quartier apprenant va plus loin en favorisant une collaboration partagée entre citoyen·nes, organismes et institutions. Elle insiste sur l’idée de responsabilité collective, où tous les acteurs et actrices du quartier participent à l’apprentissage. Elle cite l’exemple du Fablab de la BAnQ, où l’apprentissage se fait de manière informelle et collaborative, notamment en matière de francisation. Selon elle, il existe une sorte de «magie» qui opère lorsque l’on fait les choses ensemble. Elle souligne l’importance de créer cette «chimie» d’apprentissage dans tout le quartier, combinant des aspects formels et informels, et permettant ainsi le développement de quelque chose d’intangible au fil du temps.

Priscilla Ananian (16:40) explique que le concept de «quartier apprenant» dépasse la simple juxtaposition d’institutions existantes. Elle met l’accent sur le développement de projets pilotes collaboratifs qui répondent à des besoins spécifiques et qui ne pourraient être réalisés par une seule institution. Ananian souligne l’importance d’impliquer à la fois l’expertise scientifique et citoyenne dans la création de ces projets, qui peuvent aborder des domaines comme la francisation, la médiation sociale et culturelle, ou encore les activités pour les jeunes personnes défavorisées. Elle propose également une définition géographique flexible du «quartier apprenant», basée sur une distance de marche de 10 minutes (1 km de rayon) autour d’un point central, plutôt que sur des frontières politiques ou historiques strictes. Cette approche permettrait d’inclure des parties de quartiers adjacents et de se concentrer sur les personnes plutôt que sur des limites administratives.

Un apprentissage intergénérationel, tout au long de la vie (18:41)

Jean-Michel Lapointe explique que même s’il n’habite pas dans le Quartier latin, il le traverse souvent pour se rendre au centre-ville. Il souligne que le concept de «quartier apprenant» offre de nombreuses opportunités dès qu’on y entre. Il apprécie particulièrement l’accent mis sur les bibliothèques, qui attirent des personnes de tous âges, contrairement aux universités qui accueillent traditionnellement une population étudiante plus ciblée (la moyenne d’âge à l’UQAM étant de 29 ans). Lapointe s’interroge sur la manière dont le quartier apprenant pourra attirer et impliquer des personnes de toutes les générations.

Marie Grégoire (19:39) réaffirme que le concept de «quartier apprenant» est pensé comme un lieu favorisant l’apprentissage tout au long de la vie, et qu’il concrétise les solidarités intergénérationnelles. Elle souligne que ce concept englobe des activités formelles et informelles, permettant des échanges de savoirs entre les générations, comme des aîné·es lisant aux enfants ou des adolescent·es enseignant la technologie aux personnes âgées. Selon elle, un quartier apprenant crée des occasions pour les gens de se retrouver autour de passions communes et d’en découvrir de nouvelles. C’est un espace qui attire les personnes curieuses et ouvertes à l’apprentissage. Grégoire met l’accent sur deux bénéfices principaux : l’épanouissement personnel et le bienfait collectif. Elle insiste sur la notion d’inclusivité, où personne n’est laissé pour compte ni jugé pour ses envies d’apprendre. Enfin, elle suggère qu’un tel quartier pourrait devenir un lieu d’innovation, attirant des personnes ouvertes au changement et désireuses d’essayer de nouvelles choses, créant ainsi un environnement propice à l’apprentissage continu et à l’adaptation.

Création d’une Maison du quartier apprenant (21:50)

Yves Munn souligne le besoin d’un lieu central et rassembleur pour le «quartier apprenant». Il note que le Quartier latin a été quelque peu négligé ces dernières années, mais qu’il possède un fort potentiel d’attraction, comme le démontre l’affluence à la BAnQ. Il s’interroge sur la faisabilité de créer un espace central, comparable à un campus universitaire, qui permettrait aux gens de se retrouver dans le quartier et de se sentir partie prenante d’un quartier dynamique, avec des interconnexions dans un lieu vivant, regroupant toutes les parties prenantes du quartier, et reflétant la diversité et l’énergie du Quartier latin.

Priscilla Ananian (22:39) propose l’idée d’une «Maison du quartier apprenant» comme lieu de convergence. Elle décrit ce lieu comme un «tiers-lieu» qui ne serait ni une université, ni une bibliothèque, ni un centre communautaire, mais une combinaison de tout cela. Cet espace servirait de carrefour pour l’offre et la demande en matière de formation et d’apprentissage, où des personnes pourraient fournir des conseils sur l’offre formelle, informelle ainsi que sur les événements liés à l’apprentissage.

Marie Grégoire (23:45) souligne que l’objectif est de démocratiser la gestion de ce «tiers-lieu», afin qu’il devienne autonome. Elle évoque également l’importance de créer une identité visuelle forte pour le «quartier apprenant», en proposant un affichage uniforme et des projections sur les bâtiments pour démarquer cette zone particulière avec une signature visuelle unique.

Yves Munn (24:35) s’interroge sur l’emplacement futur de la «Maison du quartier apprenant». Priscilla Ananian (24:45) répond que l’emplacement devra être déterminé, en fonction de plusieurs critères importants :

  1. Être à échelle humaine, pas un grand pavillon.
  2. Avoir pignon sur rue, avec un contact direct avec la rue.
  3. Offrir de la transparence, permettant aux gens de voir et d’être vus, de l’intérieur et de l’extérieur.
  4. Proposer une animation diversifiée, au-delà de simples bureaux ou salles de formation.
  5. Avoir une programmation variée et des espaces polyvalents.

Ananian suggère l’idée d’y inclure une épicerie solidaire pour répondre aux besoins des populations précarisées, y compris les personnes en situation d’itinérance, les personnes résidentes à faible revenu et les personnes étudiantes en difficulté financière. Elle souligne l’importance d’avoir un lieu de convergence qui pourrait aussi répondre à des enjeux de sécurité alimentaire.

La discussion (26:14) aborde également la question du logement étudiant et la nécessité d’augmenter l’offre de logements abordables à proximité de l’université. Ananian mentionne les efforts de l’UQAM pour accroître et rénover son parc de logements étudiants.

Ananian (26:35) présente un portrait démographique du quartier, soulignant sa croissance et la polarisation entre les jeunes personnes professionnelles aisées et les populations plus précaires, y compris les étudiant·es et les personnes en situation d’itinérance. Elle insiste sur l’importance de créer une mixité sociale dans le quartier et de ne pas oublier les personnes étudiantes dans cette dynamique pour apporter une vitalité 24 h sur 24.

Le rôle unique de vice-rectrice à la Relance du Quartier latin à l’UQAM (27:43)

Jean-Michel Lapointe interroge Priscilla Ananian sur son rôle unique comme vice-rectrice à la Relance du Quartier latin à l’UQAM, soulignant l’originalité de cette approche pour une université.

Ananian explique (28:18) que le «quartier apprenant» constitue la vision principale et le projet phare de la Relance du quartier. Elle évoque la nécessité d’un plan d’aménagement urbain pour l’université, visant à améliorer l’animation des rez-de-chaussée des pavillons et à mieux intégrer le campus dans l’espace public. Priscilla Ananian souligne que son rôle est de structurer et coordonner les initiatives tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’université. Elle insiste sur l’importance de mobiliser la communauté universitaire, qui compte 40 000 personnes, pour faire changer les choses. Son travail consiste à fédérer les ressources existantes autour d’une vision commune, tout en repensant les espaces de socialisation sur le campus et en renforçant le lien entre le quartier et le campus universitaire. Elle conclut en soulignant l’interdépendance entre le bien-être du Quartier latin et celui de l’UQAM.

Conclusion (31:08)

Yves Munn remercie les participant·es pour leur temps et leur générosité.

Marie Grégoire exprime son enthousiasme pour ce projet fédérateur, qui profitera à l’ensemble du quartier. Jean-Michel Lapointe souligne le potentiel de «contagion positive» de cette initiative, une idée à laquelle Marie Grégoire approuve pleinement.

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