La pensée critique, la développer et l’encourager
L’exemple de la Suède
Notre veille en éducation nous permet, parfois, de découvrir ou de redécouvrir des personnes inspirantes dans le milieu de l’éducation. C’est le cas de deux acteurs du monde de l’éducation qui échangent ensemble dans un enregistrement publié dans la section « Pour les profs » du site des As de l’info. Nous vous invitons à lire l’article complet. Nous ne traiterons dans ce billet qu’une brève partie de l’argumentaire en faveur du développement de la pensée critique tel que pratiqué dans une école en Suède. Mais d’abord…
Deux personnes inspirantes
Stéphanie Demers est une enseignante au primaire depuis 2007. Elle chronique aussi pour les « As de l’info » en s’intéressant aux pratiques inspirantes en éducation. Enseignante dévouée et passionnée, elle a lancé en 2021 une entreprise en ligne de Rattrapage scolaire. Son objectif est d’outiller les parents, les enfants et les jeunes enseignants afin que nos jeunes puissent vivre des réussites tout en développant leur plein potentiel. Elle offre donc des programmes de rattrapage scolaire pour les élèves du primaire, de l’accompagnement privé pour les familles et de l’accompagnement pour les jeunes profs.
Philippe Longchamps est originaire de Sherbrooke. Il détient une maîtrise en histoire de l’UQAM. Résidant en Suède depuis 2002, il enseigne au secondaire à l’école Montessori de Lund. Il est dévoué à la promotion de la pensée critique en éducation, notamment en réponse à l’impact croissant de l’intelligence artificielle dans ce domaine. Parmi ses réalisations notables, il a été honoré du prestigieux prix d’Enseignant de l’année en Suède en 2020, a été finaliste du Global Teacher Prize en 2021 et a reçu le titre du Meilleur professeur d’histoire en Suède en 2022. Au cours de sa carrière, ses élèves se sont distingués en remportant de nombreux prix à l’échelle régionale, nationale et internationale.
Dans l’article « Inspiration: Nous sommes tous des enseignants! » publié le 6 octobre 2023, Stéphanie Demers partageait des extraits de la discussion qu’elle a eue avec Philippe Longchamps sur l’importance qui devrait être accordée au développement de l’esprit critique chez nos élèves. Avec l’autorisation de Stéphanie Demers, nous citons et mettons en lumière quelques éléments clés de cette discussion.
Distinguer les faits des opinions, le test PISA
En Suède, la technologie constitue une matière obligatoire. Pour Philippe Longchamps, la pensée critique peut s’enseigner au quotidien dans les salles de classe. À son avis, le développement de la pensée critique est aussi important que la littératie ou la numératie à l’ère de l’information.
Preuve à l’appui, une enquête de l’OCDE publiée en 2021 démontrait qu’il existe une corrélation positive entre l’enseignement de certaines compétences numériques à l’école et la capacité des élèves à distinguer les faits des opinions. Toutefois, la force de cette corrélation varie selon la compétence spécifique enseignée. La question 3 du test PISA 2018, intitulée « Rapa Nui », évaluait cette capacité. On demande aux élèves de distinguer entre les faits et les opinions exprimées dans des textes complexes et abstraits.
« C’est vrai qu’on n’apprend pas juste à lire, écrire, compter et on doit aussi apprendre à penser de façon critique basée sur la méthode scientifique de recherche. Parce que sinon, on base notre pensée critique juste sur des opinions. Et il est essentiel de l’enseigner aux enfants, car les opinions ne sont pas toujours basées sur des faits, elles sont souvent basées sur des sentiments et des émotions. On travaille avec des jeunes qui ont beaucoup d’émotion, surtout quand ils atteignent la puberté. »
Philippe Longchamps, 29 sept.2023
Reconnaitre un argument Ad Hominem dès le jeune âge
Selon Longchamps, pour développer l’esprit critique, il est également essentiel de former les éducateurs, les amenant à reconnaître leurs propres erreurs de logique et de biais cognitifs. « En effet, nous ne pouvons pas enseigner la pensée critique si nous ne sommes pas nous-mêmes conscients de nos propres limitations. » Comment s’y prendre ?
Premièrement, il est crucial de savoir identifier ces biais. Parmi les plus répandus et notoires, on retrouve l’attaque Ad Hominem, qui consiste à cibler le caractère ou l’apparence d’une personne plutôt que de répondre à ses arguments.
« En travaillant avec des adolescents, j’ai trouvé une recette il y a plusieurs années, qui consiste à commencer à enseigner les biais cognitifs et les erreurs de logique. On commence souvent avec les plus jeunes en expliquant ce qu’est un Ad Hominem, une attaque personnelle. Quand on fait en sorte que les élèves comprennent ce concept, on peut l’enseigner dans différentes matières, en le répétant, car cela prend du temps pour inculquer cette notion. Habituer les élèves à ce concept difficile fonctionne très bien.
J’ai remarqué que dans notre école, cela a contribué à créer un climat beaucoup plus sain. Il y a moins d’intimidation, moins de commentaires offensants sur l’apparence des autres ou sur d’autres aspects, car les élèves ont appris à reconnaître les aspects négatifs de l’Ad Hominem. »
Philippe Longchamps, 29 sept.2023
Rattrapage scolaire : Dans le cadre de sa collaboration avec Les as de l’info, Stéphanie Demers rencontre Philippe Longchamps, historien et enseignant passionné! – 29 sept. 2023
Vérifier les faits et faire preuve d’un scepticisme sain
Dans sa classe, Philippe Longchamps s’efforce de créer un environnement sécurisant où les jeunes sont encouragés à s’exprimer, à questionner librement sans crainte et, surtout, à apprendre de leurs erreurs.
« Au départ, si nous commençons dans nos cours à encourager les jeunes à questionner les sources d’information et à déterminer si elles sont fiables, cela peut aider. De nos jours, avec le développement rapide de l’intelligence artificielle, de nombreux jeunes ont pris l’habitude de poser toutes sortes de questions à l’intelligence artificielle sans réellement vérifier la provenance de l’information. Cette information provient souvent de bases de données qui n’ont pas nécessairement été vérifiées ou développées. Cela nécessite donc une pensée critique accrue, car les réponses de l’intelligence artificielle peuvent être très convaincantes et séduisantes. »
Philippe Longchamps, 29 sept.2023
Pour ne pas conclure
L’enseignement de la pensée critique doit être perçu comme un art :
« La clé pour améliorer les compétences de pensée critique de nos élèves est de leur montrer où regarder sans leur dire ce qu’ils devraient voir. »
Philippe Longchamps : ” La pensée critique, pourquoi et comment? – 23-12-2022
Pour en savoir plus
L’enquête de l’OCDE
OECD (2021), 21st-Century Readers: Developing Literacy Skills in a Digital World, PISA, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/a83d84cb-en.
Stéphanie Demers
Demers, Stéphanie. (2023). Rattrapage scolaire [site Web]. Consulté le 27 oct. 2023.
https://stephaniedemers.ca/
Tous les articles de Stéphanie Demers dans les As de l’info
Philippe Longchamps
Graham, C., & Longchamps, P. (2022). Transformative education: A showcase of sustainable and integrative active learning. Taylor & Francis. https://doi.org/10.4324/9781003276203
- En conférence à Montréal le 14 janvier 2024 :
TEDxVille Marie ED : Apprivoiser l’imprévisible
Une conférence dédiée au futur de la jeunesse et de l’éducation
https://tedxvillemarie.education/
https://tedxvillemarie.education/a-propos-philippe-longchamps/
