6 février 2024

L’éducation aux médias et à l’information

Du « fake » au fiable ?

À l’automne dernier, à l’UQAM, s’est tenue une journée d’étude sur le sujet de l’Éducation aux Médias et à l’Information (ÉMI) et sur la valorisation des contenus fiables. Nous avons décidé d’approfondir le sujet en invitant deux protagonistes de l’événement : un professeur-chercheur de l’UQAM spécialisé dans le domaine et une doctorante en communication qui est également journaliste pour Radio-Canada Acadie.

  • Alexandre Coutant est professeur-chercheur au Département de communication sociale et publique de l’UQAM. Il est responsable de l’axe 2 du LabCMO qui porte sur les « pratiques informationnelles, les publics et l’agir politique ». Ses travaux portent sur l’appropriation des technologies et les enjeux de confiance dans des environnements sociotechniques.
  • Gabrielle Silva Mota Drumond est doctorante en communication à l’UQAM, chercheuse en communication, journaliste radio et télé pour Radio-Canada à Charlottetown, webmestre et gestionnaire de communautés en ligne.

Nous avons eu le plaisir de les recevoir dans notre studio du Collimateur pour faire un retour sur le sujet de l’ÉMI en compagnie de Jean-Michel Lapointe et Yves Munn, tous deux chargés de projets technopédagogiques au Carrefour d’innovation et de pédagogie universitaire del’UQAM

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Dans cet épisode, nous explorons les enjeux liés à la confiance envers les médias, le rôle crucial des acteurs éducatifs et de l’intelligence collective dans l’amélioration de la compréhension publique des médias. On y souligne la nécessité d’adopter une approche inclusive et critique dans l’éducation aux médias afin de renforcer le débat démocratique.
Les sujets abordés :

[ 0:17] Brèves présentations des participants en studio.

[ 1:00] Définition et portée de l’Éducation aux Médias et à l’Information (ÉMI) : Alexandre Coutant et Gabrielle Drumond expliquent ce que couvre l’EMI, incluant les initiatives institutionnelles et non institutionnelles pour améliorer les compétences des citoyens en matière de traitement de l’information et les outiller pour naviguer dans l’univers informationnel quotidien.

[ 1:40] Rôle de l’intelligence collective et esprit critique : Gabrielle Drumond, quant à elle, se concentre sur l’aspect critique de l’ÉMI, mettant en lumière l’objectif d’éveiller un esprit critique chez les gens à travers des cours et des ateliers. Elle mentionne l’importance de cette éducation pour tous les types de communautés, y compris, mais sans se limiter aux communautés ethniques ou linguistiques, en citant l’exemple des usagers d’une bibliothèque comme faisant partie d’une communauté qui bénéficie de l’EMI.

[ 2:43] Acteurs principaux de l’ÉMI : Alexandre Coutant mentionne les différents acteurs impliqués dans l’EMI, y compris les institutions éducatives, les professionnels de l’information comme les journalistes, les bibliothécaires et les professeurs documentalistes, et finalement le rôle de l’éducation populaire, moins visible, mais crucial.

[ 4:26] Études sur les publics : Les études sur les publics abondent. La discussion aborde la complexité de la relation entre les médias et leur public, révélant que les consommateurs d’information ne sont pas irrationnels, mais plutôt engagés de manière critique avec les contenus journalistiques, qu’ils valorisent pour leur fiabilité. La clé réside dans l’équilibre entre offrir des informations de qualité et encourager un esprit critique.

[ 5:16] Les écouter et les prendre en compte : Gabrielle Drumond met en lumière l’importance du dialogue et de l’écoute dans l’éducation aux médias. Elle appuie l’idée d’Alexandre Coutant sur l’importance d’étudier et de respecter les perspectives du public pour une approche plus inclusive et efficace de l’éducation aux médias.

[ 5:56] Limites des questionnaires dans l’étude de la confiance envers les médias : Les gens peuvent déclarer ne pas faire confiance aux médias tout en les consultant régulièrement pour s’informer. Cette situation indique une forme de confiance critique, soulignant les limites des questionnaires pour capturer la complexité des attitudes envers les médias.

[ 7:21] Études approfondies des comportements informationnels : Alexandre Coutant souligne un phénomène observé dans une récente enquête en France qui révèle que face au doute, les gens se tournent vers les médias traditionnels pour s’informer, puis discutent de ces informations et les complètent avec d’autres sources. Alexandre Coutant critique les enquêtes par questionnaire pour leur incapacité à capturer la complexité de la relation des gens avec les médias. Il préconise des entretiens approfondis pour mieux comprendre la circulation des informations dans la vie quotidienne et les discussions.

[ 9:15] Les biais de confirmation et crise de confiance envers les journalistes : Yves Munn soulève le point que les gens ont tendance à écouter, regarder ou lire uniquement ce qui confirme leurs propres idées ou intérêts. Il mentionne également une perte de confiance envers la profession journalistique au sein de la population. Gabrielle Drumond, qui est à la fois journaliste et doctorante, indique que sa thèse portera sur ce sujet. Elle cherche à comprendre et à explorer les relations de confiance entre le public et les médias, en se concentrant spécifiquement sur les communautés francophones acadiennes et leur consommation d’information en français. Gabrielle Drumond espère que ses recherches apporteront des éléments concrets pour mieux comprendre la crise de confiance et identifier des solutions potentielles pour améliorer les relations entre le public et les médias.

[11:30] Influences médiatiques et opinions : Alexandre Coutant critique la façon superficielle dont les médias traitent les questions de confiance envers eux, se basant souvent sur des sondages annuels peu informatifs et déconnectés de la recherche scientifique. Il souligne que les variations dans la confiance du public ne sont pas expliquées par ces sondages, qui manquent de rigueur. Selon lui, les gens choisissent les informations qui résonnent avec leurs propres valeurs, et la consommation d’information est influencée par les échanges sociaux, contredisant l’idée que les médias ont un impact direct et isolé sur les opinions. Les discussions et interactions sociales jouent un rôle clé dans la formation des représentations du monde, une dimension souvent négligée dans l’analyse de la consommation médiatique.

[ 13:31] Différenciation entre faits et opinions : Un point crucial est la difficulté pour les gens de distinguer les faits des opinions, notamment dans le contexte politique et médiatique. Ce problème central dans la perception de l’information rend complexe l’analyse et la compréhension des enjeux actuels.

[ 15:25] La polarisation, les faits, les opinions et le public : Alexandre Coutant discute de la polarisation des débats, notant que contrairement aux États-Unis, le Québec ne montre pas de polarisation marquée, sauf dans la représentation médiatique. Il identifie deux malentendus : d’abord, la séparation entre faits et opinions n’est pas si critique, car tous les faits nécessitent une interprétation dans un contexte social, politique, ou culturel. Ensuite, il critique l’attente irréaliste que le public puisse aisément naviguer entre informations et manipulations sans une compétence élevée, compte tenu des stratégies sophistiquées des entreprises et de la politique. Il met en avant l’importance de la construction collective du sens dans le débat public.

[ 17:22] L’intelligence collective et les discussions publiques : L’intelligence collective émerge des discussions publiques, où le partage et la critique des opinions permettent d’élaborer une compréhension plus riche des sujets. Les recherches montrent l’efficacité de ces échanges collectifs, mais soulignent un manque d’initiative des institutions à créer des espaces dédiés à ce dialogue. Cette approche renforce l’idée qu’un citoyen informé et critique est essentiel à une démocratie robuste, rappelant la vision de Condorcet sur la valeur d’un citoyen difficile à gouverner en raison de son esprit critique.

[ 18:40] Évolution des discussions en ligne : Gabrielle Drumond explique avoir analysé les commentaires sur la page Facebook de Radio-Canada Acadie pendant les premiers mois de la pandémie. Cette analyse a révélé une intelligence collective croissante, où les gens argumentaient de manière plus éclairée, utilisant des références pour soutenir leurs points de vue. Cela met en évidence l’efficacité des espaces en ligne pour faciliter l’information et le débat public, montrant que les gens sont capables d’améliorer leur compréhension collective d’un sujet complexe comme la pandémie.

[ 21:30] Confiance médiatique et milieux minoritaires : Jean-Michel Lapointe questionne si la crise de confiance envers les médias varie selon les régions, comme l’Acadie. Gabrielle Drumond, explorant ce sujet dans sa thèse, indique que dans les communautés linguistiques minoritaires, le rôle des médias francophones est essentiel pour l’identité et la survie du français, influençant différemment la confiance envers les médias. Elle suggère que les particularités de ces communautés, telles que l’attachement à leur histoire et les défis spécifiques comme le vieillissement en milieu rural, façonnent une réponse unique à la crise de confiance médiatique.

Crédit photo : Le Carrefour, UQAM

Musique : Awesome Music

Montage : Carl Aksynczak, Le Carrefour, Audiovisuel UQAM

Réalisation : Yves Munn, chargé de projets technopédagogiques, UQAM

Retour sur le Colloque ÉMI

Les présentations de la 2e édition du Colloque Éducation aux médias (ÉMI 2023) – Liste Youtube

  • 19 vidéos de conférences et travaux présentés lors de la 2e édition du colloque sur l’ÉMI. L’Événement a été organisée dans le cadre de l’appel à projets : Jumelage entre initiatives francophones de lutte contre la désinformation de l’Organisation Internationale de la Francophonie et organisée par l’École nationale supérieure des Sciences de l’Information et des bibliothèques (ENSSIB), l’École de bibliothécaires, archivistes et documentalistes, Université Cheikh Anta Diop (EBAD) et le Laboratoire sur la communication et le numérique (LabCMO).

Pour en savoir plus

  • Normes mondiales pour les programmes d’éducation aux médias et à l’information de l’UNESCO (Document : PDF 970 Ko)

Autres références

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