La littératie de l’IA en éducation 2/3
LiteratIA : un projet collaboratif interordre
Dans cet épisode, nous faisons un retour sur l’historique du projet LiteratIA.ca, une initiative interordre visant à explorer et partager les pratiques d’intégration de l’IA en éducation. Nous mettons en lumière l’importance de la collaboration transdisciplinaire et de l’implication active des étudiants dans les réflexions sur l’IA.
Nous aborderons également les défis éthiques auxquels nous sommes confrontés, tels que la gestion des données, la représentativité et la présence de biais potentiels. Enfin, nous nous pencherons sur les perspectives d’évolution de l’IA et la nécessité d’une réflexion prospective pour l’avenir de l’éducation.
Pour ce balado nous avons réuni dans le studio du Collimateur, Sirléia Rosa, chargée de projets technopédagogiques et Sandrine Prom Tep qui est professeure agrégée au département de marketing à l’École des sciences de la gestion (ESG) à l’UQAM, Yves Munn, chargé de projets technopédagogiques au Carrefour de l’UQAM et finalement Florence Sedaminou Muratet qui est anthropologue et conseillère pédagogique pour Éductive-Collecto.
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Les sujets abordés dans cet épisode :
1:10 Le projet LiteratIA.ca
Présentation du site LiteratIA.ca, une communauté d’intérêt visant à favoriser l’appropriation de l’IA en enseignement supérieur et chez tous les acteurs de l’éducation. L’objectif est d’échanger sur les pratiques pédagogiques liées à l’IA, découvrir les technologies associées et créer des contenus pertinents pour les enseignants.
1:55 Du chatbot à l’IA générative
Sandrine Prom Tep explique que le projet LiteratIA a été lancé avant l’arrivée de ChatGPT, initialement axé sur les chatbots, mais a dû pivoter rapidement vers l’IA générative pour permettre aux professeurs de se l’approprier, de collaborer et de partager leurs expériences afin de prévenir les dommages potentiels.
5:32 L’IA comme assistant d’apprentissage : développer l’agentivité
Yves Munn souligne l’importance de l’agentivité, c’est-à-dire la capacité d’imposer des limites à l’IA et de l’utiliser comme un assistant qui nous challenge et nous questionne pour mieux apprendre, plutôt que de simplement donner les réponses.
6:01 L’IA amplifie les inégalités dans l’acquisition des savoirs
Sandrine Prom Tep explique que l’IA s’adapte au niveau de questionnement des étudiants, illustrant le principe « garbage in, garbage out ». Elle constate que les étudiants ayant déjà des connaissances préalables tirent davantage profit de l’outil, qui ne fait qu’accélérer leur progression sans éliminer les inégalités socio-économiques et culturelles dans l’acquisition des savoirs. Elle compare cela à une banque qui ne prête qu’à ceux qui ont déjà de l’argent.
07:22 La transdisciplinarité dans l’enseignement de l’IA
Sirléia Rosa souligne l’importance de la collaboration et du partage d’expériences pédagogiques autour de l’IA. Elle évoque un projet de cours optionnel transdisciplinaire mené au collégial en 2019, impliquant des professeurs de sociologie, philosophie et informatique. L’objectif était de permettre à tous les étudiants, pas seulement ceux en informatique, d’expérimenter concrètement l’IA. Sirléia suggère d’aborder l’IA de manière transversale et non sectorielle, afin de former des citoyens ayant une vue d’ensemble de l’IA dans la société.
09:13 L’inclusion de la perspective étudiante en éducation
Pour Florence Sedaminou Muratet l’IA est effectivement un prétexte pour réfléchir à la transdisciplinarité et à l’intersectionnalité, car on ne peut pas en parler uniquement d’un point de vue technique. Florence donne l’exemple d’un cours qu’elle a donné sur les biais algorithmiques à l’UQO en tant qu’anthropologue, montrant le lien entre les biais cognitifs et les biais algorithmiques derrière l’IA. Les experts en IA parlent souvent de la technique, tandis que les pédagogues se concentrent sur l’utilisation de l’IA pour accompagner les étudiants à développer des compétences et ouvrir de nouvelles perspectives. La collaboration autour de l’IA permet de rassembler différentes perspectives (technopédagogues, enseignant·es, sociologues, philosophes) pour travailler sur les enjeux éthiques, techniques et l’impact sur la construction des connaissances. Il est essentiel d’inclure la perspective des étudiants sur LiteratIA.ca dans les réflexions sur l’IA en enseignement, car leur perception de cette technologie est importante. Les étudiants d’aujourd’hui ont grandi et grandissent avec les technologies numériques.
13:00 La réflexion sur l’IA est un défi intergénérationnel
Florence Sedaminou Muratet raconte avoir montré un Minitel à son fils, qui était étonné de voir cette technologie désuète. Elle souligne la chance qu’ont eue les générations précédentes de traverser différentes époques technologiques, leur permettant de développer un esprit critique face à l’émergence de nouvelles technologies. En revanche, pour les étudiants actuels, notamment la génération Alpha, ces technologies ont toujours été présentes. Florence insiste donc sur l’importance d’inclure les étudiants dans les réflexions sur l’IA, même si cela peut paraître osé.
14:32 L’évolution du paradigme de la connaissance à l’ère du numérique
Sandrine Prom Tep réagit au propos de Florence en soulignant que nous vivons maintenant dans une ère où la co-création est devenue incontournable, avec une abondance de connaissances disséminées entre le vrai et le faux. Le paradigme de la connaissance a évolué : autrefois, un livre imprimé suffisait comme preuve de crédibilité, puis on est passé à l’ère des experts et maintenant celle du « crowdsourcing » des connaissances via les forums ou Wikipédia et l’aspect collectif. Aujourd’hui, la notion même de connaissance et d’acquisition des savoirs est à recréer ensemble, en dépassant le modèle professeur/magistral et étudiant/récepteur, même si ce dernier reste encore dominant. Il faut se réapproprier ces nouvelles façons d’apprendre, comme l’a expérimenté Sandrine avec ses étudiants en les évaluant sur leur capacité à s’approprier les idées plutôt qu’à copier-coller, et en valorisant la diversité et le nombre de sources utilisées. Cette idée lui est venue en écoutant le président de l’OCDE qui a récemment affirmé qu’au 21e siècle, identifier la véracité d’une source est devenu une compétence incontournable que tout système éducatif devrait inclure, quel que soit le domaine (numérique, IA, etc.).
18:24 L’anthropomorphisation de l’IA et les enjeux liés
Yves Munn exprime ses inquiétudes quant à l’anthropomorphisation de l’IA par les étudiants. Il craint qu’ils développent un rapport affectif avec des outils comme ChatGPT, qu’ils perçoivent à tort comme une entité humaine. Les étudiants pourraient ainsi confier des informations personnelles sensibles à une IA qui récolte des données sur eux, sans réaliser qu’il ne s’agit que d’un alignement de mots, potentiellement des fabulations, provenant d’une entité sans conscience. Yves insiste sur l’importance de développer une littératie numérique dès le plus jeune âge pour que les étudiants gardent ces enjeux à l’esprit lorsqu’ils interagissent avec une IA.
19:43 L’IA en constante évolution
Florence Sedaminou Muratet affirme que la littératie en IA est en constante évolution, car les outils comme ChatGPT s’améliorent rapidement grâce à l’utilisation massive qui alimente leurs bases de données. ChatGPT est passé de la fabulation de références à la vérification de sources via des moteurs de recherche comme Bing, grâce à un partenariat avec Microsoft. L’utilisateur doit ensuite vérifier la validité de ces sources. L’IA générative évolue vers une intelligence artificielle généralisée capable d’analyser ses propres bases de données et de faire des déductions logiques. Florence s’intéresse aussi à la littératie des futurs (Propositions UNESCO et OCDE), qui consiste à imaginer des scénarios prospectifs pour appréhender les évolutions technologiques à venir. Elle a alors écrit un article de blogue sur les jumeaux numériques, imaginant un futur connecté et intégré à l’IA avec ce jumeau. Ces technologies s’inscrivent dans une logique capitaliste de développement d’internet des objets, intégrant de plus en plus l’IA et la collecte de données personnelles, soulevant des questions sur la protection des données et leur utilisation potentiellement préjudiciable. La littératie de l’IA implique de comprendre les enjeux liés aux données et de collaborer pour mieux se préparer à affronter ces problèmes. La question de la représentativité des données est cruciale pour éviter les biais. Il existe un dilemme entre la volonté de protéger ses données et la nécessité d’en fournir pour rendre les technologies plus équitables, égalitaires et diverses.
25:21 LiteratIA.ca : un projet collaboratif interordre
Sandrine Prom Tep tient à préciser que le projet LiteratIA.ca est un projet interordre impliquant à la fois le collège Bois-de-Boulogne et l’UQAM. Elle souligne l’importance de nommer son collègue Bruno Santerre du collège Bois-de-Boulogne, avec qui la demande de subvention a été soumise. Face à l’IA, la distinction entre cégep et université n’est plus valide, d’où la nécessité d’allier leurs forces. Sandrine mentionne également les partenaires du début comme Eductive et Jacob, ainsi que les institutions respectives. Elle tient à remercier et nommer tous les membres de l’équipe, dont Pierre, Florence, ainsi que les étudiants Eyman (maîtrise en marketing à l’ESG UQAM) et Justin Lepitre (étudiant au cégep).
Pour en savoir plus
LiteratIA. Développer la littératie de l’IA en éducation.
« LiteratIA est une communauté d’intérêt pour tous les membres de l’enseignement supérieur intéressés par l’intelligence artificielle. Elle vise à échanger sur les pratiques pédagogiques liées à l’IA, à découvrir les technologies qui s’y rattachent et à créer des contenus pédagogiques pertinents pour les enseignantes et les enseignants ».
Dans le troisième épisode à venir…
Dans le troisième et dernier épisode de notre série balado sur la littératie de l’IA, la citation de Rabelais « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » prend tout son sens en éducation.