16 avril 2025

Enquête nationale sur les étudiants en formation à l’enseignement au Québec

Portrait, défis et pistes d’action

La profession enseignante traverse une crise majeure au Québec. Cette situation préoccupe l’ensemble des acteurs du milieu de l’éducation.

En février 2025, le Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE) a diffusé la plus vaste enquête jamais réalisée sur cette question au Québec. Cette enquête s’appuie sur les résultats d’un sondage auprès de 2 902 personnes étudiantes en enseignement dans les universités québécoises au cours de l’année scolaire 2021-2022 ou 2022-2023. Les résultats permettent ainsi de documenter avec précision les facteurs qui influencent les trajets de ces étudiantes et étudiants en formation à l’enseignement.

Pourquoi cette enquête est-elle importante ?

Les membres du corps enseignant actuellement en poste accueillent régulièrement des stagiaires et de nouveaux collègues. La prise de conscience des difficultés vécues par ces derniers lors de leur formation leur permet d’adapter l’accueil et l’accompagnement offerts. Les résultats de cette enquête invitent donc le personnel enseignant en exercice à repenser son rôle auprès des stagiaires et des nouveaux collègues.

Voici quelques points saillants de ce rapport :

  • Les motivations pour choisir l’enseignement sont principalement intrinsèques ;
  • Près de la moitié des personnes étudiantes sondées (47,2 %) ont envisagé d’abandonner leurs études ;
  • Plus de 90 % ont mentionné des difficultés à concilier études et vie personnelle ;
  • Deux tiers prévoient néanmoins enseigner jusqu’à leur retraite.

Les résultats montrent aussi que les profils et les parcours professionnels évoluent et deviennent plus variés.

  • Les personnes étudiantes sont principalement des femmes (80,6%), âgées de 35 ans ou moins (72,8%), et nées au Canada (84,4%). Toutefois, l’enquête montre que les profils se diversifient progressivement. Près du tiers des personnes répondantes ont des enfants (30,5%), détiennent déjà un diplôme universitaire (31%) et une proportion non négligeable (15,6%) est née à l’étranger.
  • Les programmes de 2e cycle attirent désormais des personnes qui enseignent déjà sans qualification formelle ou qui ont une formation disciplinaire antérieure. Ces parcours non linéaires représentent une tendance qui s’accentue.
  • L’enquête met également en lumière l’intégration au marché du travail pendant les études. Parmi la communauté étudiante qui travaille, près des deux tiers (64,8%) œuvrent déjà dans l’enseignement ou auprès d’enfants.

Des motivations solides, mais des obstacles considérables

Les résultats confirment que les motivations pour choisir l’enseignement sont principalement intrinsèques. Plus de 90 % des personnes interrogées ont cité la transmission des connaissances (91,9 %) et des valeurs (91,5 %) comme motifs principaux. Le désir d’aider les enfants à devenir de bons citoyens (90,9 %) et le goût de travailler avec des jeunes (87,8 %) constituent également des motivations très présentes. Ces chiffres témoignent d’un engagement vocationnel encore fort, malgré les difficultés connues de la profession.

Pourtant, la persévérance dans les études est problématique. Environ la moitié des personnes sondées (47,2 %) ont envisagé d’abandonner leur formation en enseignement. La quasi-totalité (92,5 %) rapportent des difficultés à concilier études et vie personnelle, tandis que 83,7 % peinent à concilier études et travail. L’analyse des témoignages a également révélé des préoccupations concernant le test de français (TECFÉE) et la charge de travail perçue comme excessive.

Des besoins de flexibilité lors de la formation

Les étudiantes et étudiants ont exprimé le besoin d’une plus grande flexibilité dans leur formation. Deux tiers des personnes interrogées mettent l’accent sur l’importance de modalités d’enseignement plus flexibles, telles que les cours hybrides, à temps partiel, en soirée ou en fin de semaine.

L’arrimage entre la formation théorique et la pratique constitue une autre préoccupation majeure. De nombreux témoignages mettent en évidence un décalage entre la formation universitaire et la réalité de l’enseignement. Ce fossé entraîne des frustrations et fait douter de la pertinence des études.

Des perspectives professionnelles : entre l’engagement et l’inquiétude

L’engagement professionnel du corps enseignant de demain apparaît solide. Deux tiers des étudiantes et étudiants (66,9 %) prévoient enseigner jusqu’à leur retraite.

Les préoccupations concernant l’insertion professionnelle sont néanmoins fréquentes. Plus de 80 % des personnes ayant répondu à l’enquête ont dit craindre le volume de travail au début de leur carrière. Deux tiers ont dit redouter d’avoir les classes les plus difficiles. Le manque de réseau professionnel constitue également une source d’inquiétude majeure pour 65,9 % des étudiants.

La pandémie a eu des effets néfastes majeurs sur les personnes interrogées. Près des trois quarts (72,6 %) disent avoir subi un impact sur leur santé physique et psychologique. Paradoxalement, plus de la moitié des répondantes et répondants (53,2 %) affirment que cette période a renforcé leur attachement à la profession enseignante.

Des pistes d’action concrètes pour améliorer la situation

Le rapport propose trois grandes orientations d’intervention pour répondre aux défis identifiés. Ces recommandations méritent l’attention de tous les acteurs du milieu de l’éducation.

Améliorer le soutien à la communauté étudiante

  • Le renforcement du soutien financier apparaît comme une priorité. Des bourses d’études permettraient de réduire la nécessité de travailler pendant la formation.
  • La reconnaissance des acquis devrait être facilitée, et ce, particulièrement pour les personnes ayant une expérience antérieure.
  • Un appui ciblé pour la communauté étudiante issue de l’immigration favoriserait aussi la diversité au sein du corps professoral.

Adapter les programmes à la diversité des profils

  • La révision de la structure des programmes s’impose pour mieux répondre aux besoins différenciés, notamment pour les personnes déjà en exercice.
  • Le renforcement de l’arrimage théorie-pratique constitue également un enjeu majeur pour assurer la pertinence de la formation.

Consolider les partenariats entre institutions

  • L’amélioration de la cohérence entre la formation initiale et l’insertion professionnelle nécessite une collaboration accrue entre les universités et les milieux scolaires.
  • Des mécanismes de suivi des trajectoires professionnelles permettraient d’identifier plus finement les facteurs de persévérance. La mise en place d’une collecte systématique de données sur les parcours des personnes étudiantes permettrait de prendre des décisions éclairées.
  • La valorisation de la profession et de sa formation universitaire demeure un enjeu transversal essentiel.

Une lecture essentielle pour comprendre l’avenir de la profession

Ce rapport contient des données probantes pour guider l’action collective vers une amélioration durable de l’attractivité et de la rétention dans la profession enseignante. Le personnel enseignant en exercice pourront trouver dans ce rapport des clés pour mieux comprendre et soutenir leurs futurs collègues. Les directions d’établissement pourront ainsi anticiper les besoins d’accompagnement des nouvelles recrues. Les spécialistes en pédagogie trouveront des moyens d’action pour faciliter l’intégration professionnelle.

Bibliographie

Tardif, M., Lakhal, S., Sirois, G., Voyer, B., Mukamurera, J., Morales-Perlaza, A., Dembélé, M., Wentzel, B., & Borges, C. (2025). Enquête nationale auprès des étudiantes et étudiants en formation à l’enseignement dans les universités québécoises. Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE). https://crifpe.ca/nouvelles/download/3550

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