25 septembre 2023

Éducation et informatique quantique

Le superordinateur quantique au Québec

« Si vous croyez comprendre la mécanique quantique, c’est que vous ne la comprenez pas »

Richard Feynman, lauréat du Prix Nobel de physique (1918-1988).

Le superordinateur quantique IBM Quantum System One est maintenant en opération au Québec. Il a été inauguré le 22 septembre 2023 dans les bureaux de IBM, à Bromont. Il s’agit du quatrième superordinateur quantique mis en service par IBM hors des États-Unis. Ce prototype, l’un des plus puissants au monde, a également été déployé en Allemagne, au Japon et en Corée du Sud. Chaque nouvelle version du superordinateur quantique surpasse les précédentes en performance.

Financé en partie par le gouvernement du Québec pour les cinq prochaines années, il est exploité par la PINQ², dont les bureaux sont situés sur le campus de l’Université de Sherbrooke. Il deviendra accessible par les universités québécoises, puisque la plateforme d’innovation travaille non seulement en collaboration avec l’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke mais aussi avec l’Université de Montréal et l’Université Concordia. Il est d’ailleurs question de créer un premier réseau quantique reliant Sherbrooke, Montréal et Québec. Son utilisation se fera essentiellement à distance par le biais de l’infonuagique.

Ce n’est pas le seul superordinateur quantique à voir le jour au Québec. En janvier 2024, Calcul Québec inaugurera son propre superordinateur quantique, nommé Monarq, qui rejoindra les superordinateurs Narval et Béluga au sein de l’École de technologie supérieure (ETS) à Montréal.

« Calcul Québec a acheté MonarQ pour former des programmeurs en quantique. L’idée est de se préparer, d’apprivoiser la machine et de ne pas manquer le train »

Suzanne Talon, directrice générale de Calcul Québec (Québec Science)

Informatique quantique et analogies

Le superordinateur quantique de IBM à Bromont possède une puissance de calcul phénoménale de 127 qubits. Un qubit, contraction de « quantum » et de « bit », est une unité quantique qui permet de traiter l’information. À chaque fois que l’on ajoute un qubit à un superordinateur quantique, on double sa puissance de calcul.

Un bit n’a que deux états : soit il vaut zéro, soit il vaut un. Contrairement aux bits, les qubits peuvent aussi revêtir n’importe quelle forme entre 0 et 1. C’est à la fois 0 et 1 et tout ce qui peut se passer entre 0 et 1 et en parallèle. Leur malléabilité permet d’entreprendre un grand volume de calcul en simultané.

Comment dire ?

« Prenons par exemple le cas où nous glisserions une carte dans un livre d’une grande bibliothèque. Un ordinateur classique va analyser page après page tous les livres pour trouver la carte. Avec un superordinateur quantique, l’analyse se fera simultanément dans tous les livres pour trouver la carte très rapidement. »

Marie-Eve Boulanger, gestionnaire de programme à la Plateforme d’innovation numérique et quantique du Québec (PINQ²)

« Un professeur américain a proposé une analogie : l’informatique quantique en est au même stade que l’aviation au moment où les frères Wright avaient fait voler un avion quelques secondes. Cela n’a aucune utilité à proprement parler, mais la preuve de concept est faite. »

Christian Bassila, président de l’entreprise montréalaise Anyon Systèmes dans Québec Science 1er sept. 2023

Dans certains cas, ces superordinateurs quantiques pourraient prendre
quelques jours pour résoudre des problèmes qui exigeraient des milliards d’années aux ordinateurs d’aujourd’hui les plus rapides.

Institut quantique, Université de Sherbrooke

Utilisation éthique

Les enjeux éthiques sont plus que jamais présents avec le développement de l’informatique quantique. Le superordinateur quantique de Bromont dispose de fonctionnalités additionnelles en intelligence artificielle qui la rendra plus précise par sa capacité de traiter l’information. Parallèlement, tout comme il y a des préoccupations éthiques dans le domaine de l’IA, le domaine des superordinateurs quantiques présente aussi des enjeux éthiques significatifs. Dans la course vers l’informatique quantique, aucun pays ou industrie ne voudra se retrouver en arrière du peloton.

« la puissance de calcul va permettre d’avoir les engins d’apprentissage profond qui pourront en temps réel nous étonner encore plus que ChatGPT »

Luc Sirois, Innovateur en chef du Québec

Cette impressionnante puissance de calcul de l’informatique quantique donnera naissance à des applications qui révolutionneront nos vies, autant dans les domaines privés que publics. Certaines applications, telles que la cryptographie, les problèmes d’optimisation et la simulation des matériaux quantiques, permettront des avancées technologiques importantes. Au cours de la prochaine décennie, ces changements impacteront radicalement des secteurs tels que l’informatique, l’exploitation minière, les communications, la santé, la pharmacologie, la finance, la défense et la sécurité, l’agriculture, ainsi que l’énergie. La puissance de calcul des installations en Estrie au Québec sera notamment consacrée aux domaines de la finance et du développement durable.

Nous pouvons à peine nous imaginer la puissance de l’informatique quantique et toutes ces possibilités. Il suffit d’essayer de figurer ce qu’apportera la maitrise de la téléportation quantique qui est déjà testé grâce au phénomène de l’intrication quantique et qui permet de transmettre l’état d’une particule à distance à des vitesses supérieures à la vitesse de la lumière.

Il sera donc essentiel de veiller à ce que cette technologie soit utilisée de manière responsable et éthique afin de maximiser son impact positif tout en minimisant ses conséquences négatives.

Partenariats universitaires et formation des experts

L’arrivée du superordinateur quantique constitue une opportunité pour le Québec et le Canada, de donner accès à ce type de technologie à la fois aux entreprises et aux universités. Cette technologie nécessite des spécialistes aux connaissances hyper pointues pour gérer les algorithmes. Il sera crucial d’ouvrir des possibilités aux entreprises et aux chercheurs.

«Il faut donc dès maintenant planifier comment soutenir la communauté scientifique pour qu’elle soit en mesure d’en tirer profit. Avec l’acquisition de cet superordinateur quantique, nous contribuerons à la formation de personnel de recherche hautement qualifié en programmation, capable d’exploiter cette technologie d’avenir. »

Marie-Jean Meurs, directrice scientifique de Calcul Québec et professeure au Département d’informatique de la Faculté des sciences de l’Université du Québec à Montréal (UQAM)

 L’idée est vraiment de voir quels sont les problèmes qui pourront être résolus avec ces superordinateurs
— Suzanne Talon, Directrice générale de Calcul Québec. 

Le problème de la formation des futurs experts se pose de façon urgente. Puisque c’est une technologie émergente, il est crucial d’attirer et de former des spécialistes et chercheurs au Québec et au Canada. L’Université de Sherbrooke se positionne déjà autour de ce pôle des sciences quantiques avec son programme de baccalauréat en sciences quantiques. De nombreuses institutions d’enseignement supérieur au Québec se positionnent actuellement dans la recherche quantique, telles que :
Université de Montréal, Institut quantique (IQ), Université Laval, Polytechnique Montréal, Université McGill, Université Concordia, Institut national d’optique (INO), INRS, INTRIQ, Calcul Québec, Espace IBM Q, RDDC Valcartier, Cégep de Granby, 3IT, COPL, MILA, Institute Intelligence and Data

« On veut être proche des universités et des grandes organisations comme le Mila ou IVADO tout autant que des PME par l’entremise des centres collégiaux de transferts des technologies. »

Éric Capelle, Directeur général de PINQ⁠2

Former tôt dans le curriculum

L’initiative des Curieux quantiques offre des camps pour les élèves du secondaire afin de visiter les installations du laboratoire expérimental de fabrication, le FabLab Quantique.

Aux États-Unis, des initiatives sont en cours pour initier les élèves dès le primaire et le secondaire aux notions de base de l’informatique quantique, afin de former une relève et une future expertise. La Maison Blanche collabore avec la National Science Foundation pour fournir des ressources d’apprentissage en informatique quantique aux écoles.

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